Voyage au pays des Russes pour des lecteurs français de Valeurs Actuelles
7 juin 2012
J’ai participé ce 3 juin 2012 à un déjeuner débat avec les 40 visiteurs au célèbre Café-Pouchkine. Pour la plupart, ces visiteurs ont fait des carrières de cadres ou de chefs d’entreprises en France, et leurs questions ont surtout porté sur l’économie, les salaires, les entreprises en Russie, et sur le mode de vie des étrangers à Moscou, l’optimisme ou le pessimisme dans la Russie d’aujourd’hui. Autant de questions qui sont rarement abordées de façon objective dans la presse française.
C’était l’occasion d’expliquer que la Russie est depuis quelques années déjà une terre d’opportunités qui a commencé à intéresser quelques français, surtout depuis la crise de 2008 qui a secoué la planète et notamment les pays occidentaux. Expliquer aussi la transformation d’un expatrié français qui tente sa chance en Russie et qui devient un Russpat (mot hybride mélange de russe et d’expatrié, traduisant le statut de
français installés en Russie, russophones et en cours de russification).
Sur le parcours, pour ceux qui veulent s’adapter, travailler et vivre en Russie sans être recrutés par une multinationale, les difficultés ne manquent pas. C’est plus compliqué que traverser le Channel et s’installer en co-location à Londres. Il n’y a pas que le climat, l’alphabet cyrillique et la complexité de la belle langue russe. Il y a la redoutable administration russe, labyrinthe compliqué et implacable, avec ses démarches interminables. C’est au contact de cette montagne que beaucoup se découragent. Certains dirigeants politiques russes d’aujourd’hui disent que personne n’a encore trouvé comment simplifier l’administration depuis l’époque des Tsars.
Cette sensation face à l’administration, ou face à des habitudes de vie et de travail inconnues en occident se résume dans une phrase célèbre de Natalia Narotchniskaia que j’ai citée aux visiteurs «le XIXe, le XXe et le XXIe siècle cohabitent en Russie». On peut trouver le pays attirant, mais aussi insaisissable et brutal. Ceux qui ne se découragent pas découvrent que la Russie a un plan démographique ambitieux, et cherche à attirer des immigrants en grand nombre. Le taux de chômage est très faible en Russie, particulièrement à Moscou. De plus l’esprit d’entreprise est même encouragé (pour ceux qui ont le courage d’affronter la bureaucratie russe) par l’administration fiscale qui a créé un régime simplifié pour les nouvelles entreprises de petite taille. Un seul impôt libératoire de 6% du chiffre d’affaires, c’est loin d’être confiscatoire, et c’est une aubaine pour ceux qui veulent créer et développer une activité.
Le mode de vie à Moscou, dans son aspect sécurité / insécurité, a fait l’objet de plusieurs questions. Difficile de croire, pour des parisiens, que des jeunes femmes moscovites élégantes, leur portable dernier cri à la main, puissent prendre le métro tard le soir, jusqu’au terminus, sans être menacées par des bandes de voyous. C’est pourtant le cas, beaucoup de français installés à Moscou en témoignent. Cette sensation de vivre dans une ville relativement «tenue» même si l’insécurité zéro n’existe pas, est un des aspects les plus attrayants de la «Moscow way of life».
Les questions sur le pouvoir politique russe et la personnalité de Vladimir Poutine ont été nombreuses. Expliquer en quelques minutes à des visiteurs étrangers le chemin parcouru par la Russie de 2000 à 2012 n’est pas facile. Un risque d’éclatement territorial dans les années 90, la période des oligarques, deux guerres (2000 et 2008), le terrorisme rémanent et la crise financière, pour en arriver à une croissance économique soutenue qui se poursuit, il fallait résumer: «Les choses vont très vite ici. Il faut venir maintenant, Poutine et Medvedev sèment les graines de ce qui va éclore dans dix ou quinze ans».
Source : Valeurs Actuelles