Intervention au Forum Gaidar 2018 dans le cadre du consortium de l’Université Franco-Russe avec RANEPA
31 janvier 2018
Intervention lors d’une table ronde à Moscou au forum de Gaidar dans le cadre du consortium de l’Université Franco-Russe avec RANEPA, sur les Global talents.
Bonjour à tous et permettez-moi de faire quelques remarques et transmettre le point de vue de l’entreprise et du business francais en Russie.
Tout d’abord il faut bien comprendre à quel point nous changé d’écosystème en Russie si l’on prend en compte la période 2000 – 2018.
La première partie de cette période, de 2000 à 2008 a vu la Russie et surtout son marché s’ouvrir après le reset de 1998 et de très nombreux spécialistes étrangers qualifiés notamment d’Europe et de France, les Expats, sont venus travailler en Russie.
A partir de 2008 et à cause de la crise financière des subprimes, cette dynamique économique s’est enrayée et couplée avec une crise des visas entre l’UE et la Russie, les fameux 90/180. Sans surprises et en réponse à la crise économique la Russie a mis en place des mesures de protections nationales visant à protéger son marche de l’emploi.
Un nouveau cycle a alors commencé en 2008, dont nous voyons le bout aujourd’hui, cycle qui a vu la réduction du nombre des Expats et le début de la russification des équipes au sein des groupes étrangers, et francais, en Russie. Cette diminution des Expats s’est accompagnée d’une hausse des Repats sur le marché du travail. Les Repats sont des russes ou russophones ayant grandi et/ou étudié à l’étranger et désirant rentrer en Russie pour y travailler, conscient que la crise touche tous les pays d’Europe.
Dans le même temps, entre 1995 et 2018 un grand nombre d’étrangers se sont installés en Russie et y sont désormais embauchables par les entreprises étrangères ou russes dans des conditions équivalentes au locaux, ces Ruspats étant bien souvent russifies et russophones.
Ainsi les trois principales catégories RH DE Russie vous sont désormais familières 🙂
Concernant le marché du travail en Russie aujourd’hui, la question des langues russes et françaises reste également fondamentale. Les grosses entreprises françaises, le CAC 40, sont déjà en Russie. Désormais ce sont les petites et moyennes entreprises qui devraient, au cours des prochaines années, investir le marché russe. Pour ces entreprises, contrairement au CAC 40, la langue francaise reste un élément clef et la demande des PME françaises est fréquemment de recruter du personnel qualifié francophone, malheureusement trop rare numériquement. Nombre d’entreprises françaises réfléchissent aujourd’hui a intégrer du personnel russe en France afin de les francophoniser avant de les renvoyer travailler en Russie.
Enfin il faut ajouter que lorsque l’on parle à l’avenir de développement du business francais en province russe pour des spécialistes étrangers et donc francais, l’anglais ne suffit évidemment pas. Il est en effet inconcevable d’imaginer développer du business à Orenbourg, Tioumen ou Magadan en anglais. Plus que de ne parler russe il faut également pour les spécialistes étrangers comprendre culturellement la Russie et son environnement culturel.
Cette question de l’imprégnation culturelle et linguistique pose la question de l’experience en Russie et soulève la question de pouvoir, pour des jeunes étudiants francais, travailler légalement en Russie que l’on pense aux étudiants francais en Russie qui n’ont toujours pas le droit de travailler ou aux étudiants francais en France souhaitant eux venir faire un stage ou travailler pour une période de temps courte en Russie. Cette experience serait pourtant profitable tant aux établissements universitaires russes et francais qu’aux entreprises qui pourraient ainsi se créer un pré-pool de profils russifies et russophones, mais surtout pour les jeunes talents francais qui ainsi pourraient commencer leur carrière en Russie.
Ces problématiques de visas ne concernent pas que les stagiaires et les étudiants, les procédures d’obtention de visas de travail se sont réellement durcies, et heureusement que le VKS est entré en vigueur, donnant un peu d’oxygène aux entreprises étrangères souhaitant embaucher des étrangers qualifiés.
Ces problématiques linguistiques et administratives s’inscrivent également dans la complexe situation démographique que traverse la Russie aujourd’hui. Nous entrons aujourd’hui en effet dans une grosse decennie qui va voir le nombre d’entrants sur le marché du travail diminuer de par la faible natalité que le pays a connue entre 1992 et 2005, suite à la chute de l’union soviétique. Cette dynamique devrait accroitre l’aspect pénurique du marché du travail. Aujourd’hui en Russie il y a déjà une pénurie de main d’œuvre dans nombre de secteurs et nombre de régions. La Russie est un marché de candidats avec un chômage très faible et cela a pour conséquence que les entreprises, notamment étrangères et françaises en premier lieu, se développent comme elles peuvent et non pas comme elles voudraient.
La Russie, si elle veut éviter les erreurs de l’union européenne en ne contrôlant pas son immigration, pourrait mettre en place une politique d’immigration choisie et sélective en se servant notamment de ces milliers de jeunes talents qui, en apprenant le russe et travaillant dès que possible en Russie (durant leurs études), s’assureraient un avenir professionnel en Russie.
Par conséquent, un énorme travail est à constituer en amont, que ce soit sur l’image du pays pour le rendre plus attractif mais aussi les modalités pratiques et légales devant et pouvant permettre à une main d’œuvre étrangère qualifiée et choisie de venir travailler et pourquoi pas se sédentariser en Russie pour y contribuer au développement de l’économie.
Je vous remercie de votre attention.